lundi 22 octobre 2012

La menace de l'hyperactivité


L'hyperactivité est dévastatrice pour la performance scolaire et l'emploi, selon une nouvelle étude américaine qui a suivi des hyperactifs pendant 33 ans. Le problème est l'adolescence, qui rime souvent avec l'abandon des médicaments. Le point sur la question.

Ils sont sept fois moins susceptibles d'aller à l'université, sept fois plus susceptibles de ne pas terminer leur secondaire et gagnent en moyenne 40 000$ de moins par année. Leur couple est trois fois moins stable et ils ont trois fois plus de problèmes de drogue ou d'alcool.

Les personnes souffrant du trouble déficitaire d'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) ne connaissent pas seulement des difficultés durant leurs études. Même si les trois quarts des patients guérissent à l'âge adulte, ils gardent souvent les séquelles des problèmes qui ont miné leur enfance et, surtout, leur adolescence, selon une nouvelle étude américaine.

L'étude new-yorkaise a suivi 135 garçons souffrant de TDAH pendant 33 ans, jusqu'à un âge moyen de 41 ans. C'est la plus longue du genre, et de loin.

«Malheureusement, il n'y a pas eu beaucoup de différence dans les traitements, alors on peut considérer que les résultats s'appliquent aux enfants TDAH d'aujourd'hui», explique Rachel Klein, de l'Université de New York, auteure principale de l'étude parue dans la revue Archives of General Psychiatry. «D'autant plus que notre échantillon provenait d'une banlieue aisée de New York. Ce sont des enfants qui ont eu de l'aide, du soutien, une vie familiale pas trop chaotique.»

Ridha Joober, chercheur en psychologie à l'Institut universitaire en santé mentale Douglas, confirme que les impacts catastrophiques mesurés par les psychologues new-yorkais sont probablement valides aujourd'hui. «Une fois que les parents trouvent la bonne médication, généralement vers le milieu ou la fin du primaire, ils ne font souvent plus de suivi, déplore M. Joober. Or, il faut entourer ces enfants, les aider à trouver des solutions pour les problèmes à l'école, discuter avec la direction et les professeurs. Il faut souvent changer la médication au bout de deux ou trois ans. On peut faire une thérapie familiale pour trouver des solutions inventives aux problèmes, surtout à l'adolescence. De cette manière, les parents peuvent rencontrer le thérapeute seuls si l'enfant est récalcitrant.»

Il n'y a pas de filles dans l'étude de Mme Klein parce que le TDAH touche surtout les garçons, particulièrement quand il y a hyperactivité, la seule forme de la maladie qui était alors diagnostiquée. Les critères de diagnostic ont changé depuis et incluent maintenant des patients avec des formes moins sévères de TDAH. «Les impacts sont moins grands quand il n'y a pas d'hyperactivité ou d'impulsivité», précise Mme Klein.

La proportion de patients médicamentés chute de 65 à 30 % entre 12 et 17 ans.

Les 12-25 ans en Australie

Pour combattre l'abandon des médicaments à l'adolescence, l'Australie a imaginé en 2007 une approche novatrice: des cliniques de santé mentale pour les 12-25 ans. «Les adolescents TDAH abandonnent souvent les médicaments et, à 18 ans, ils doivent changer d'endroit pour être suivis», explique Ridha Joober, de l'institut Douglas, qui a parlé à La Presse des cliniques Head Space d'Australie.

«Des établissements qui ciblent précisément les adolescents et les jeunes adultes sont une idée brillante.» Les 40 cliniques ont vu 80 000 jeunes patients depuis leur lancement. Leur nombre devrait augmenter à 90 centres d'ici à 2015. Des critiques ont toutefois attaqué le programme Head Space parce qu'il siphonne une partie des budgets psychiatriques pédiatriques, ce qui laisse moins d'argent pour l'intervention précoce.

Peu de progrès du côté des médicaments

L'un des problèmes du traitement du TDAH est que les molécules n'ont pas vraiment changé depuis 30 ans.

«Il y a des variantes qui durent plus longtemps ou moins longtemps, explique Ridha Joober, de l'institut Douglas. Ça permet d'améliorer l'observance thérapeutique avec une couverture plus égale de la journée en évitant les hauts et les bas associés aux formes à libération immédiate. Mais à l'adolescence, il y a d'autres difficultés psychologiques qui font diminuer l'observance, comme le sens de l'autonomie et le désir de s'en sortir par soi-même.»

Brooke Molina, un psychologue de l'Université de Pittsburgh qui a publié plusieurs études sur le TDAH à l'adolescence, confirme en entrevue que la diminution des effets secondaires n'aide pas vraiment les adolescents à continuer leur médication. «Comment aider les adolescents demeure un mystère», avoue-t-il.

De 12 à 17 ans, la proportion des patients qui prennent des médicaments passe de 65% à 30%, selon une étude américaine de 2003. Le seul nouveau médicament améliore les problèmes d'anxiété et de tics, selon M. Joober.

Source : Mathieu Perreault - La Presse 


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